Retour à la case départ. Plus de cinq ans après l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, le réaménagement de la plate-forme existante de Nantes Atlantique est de nouveau dans l’impasse. L’Etat vient d’annuler l’appel d’offres relatif au renouvellement du contrat de concession de l’aéroport et à sa modernisation, « pour un motif d’intérêt général tiré de l’insuffisance de concurrence » . L’actuel concessionnaire de l’équipement, Vinci Airports, était l’unique candidat en lice.
Cependant, le problème provenait surtout d’un cahier des charges mal ficelé au départ. Celui-ci prévoyait l’extension de la piste d’atterrissage de 400 mètres en direction de Saint-Aignan de Grand Lieu (Loire-Atlantique), une commune riveraine. Or, aucun élu du territoire n’a jamais réclamé cette mesure. « A l’époque, les experts de la DGAC [Direction générale de l’aviation civile] ont vendu l’allongement de la piste comme l’une des solutions à nos problèmes , cingle Johanna Rolland, maire PS de Nantes et présidente de Nantes Métropole . Et désormais, plus personne ne sait nous dire à quoi elle servait… »
Officiellement, cette extension de piste visait à décaler les seuils d’atterrissage afin de relever l’altitude des avions en phase d’approche, le but étant de limiter les nuisances sonores. Yoann La Corte, qui a piloté le projet de réaménagement jusqu’en décembre 2021 pour la DGAC, a lui-même exposé ses doutes quant à la pertinence de ce chantier, jugeant marginal le bénéfice de l’opération en matière de réduction du bruit. Avant de valider, in fine, cette option au moment de son départ. Son successeur, Nils Raynaud, a confirmé le bien-fondé de ce chantier, avant d’effectuer à son tour un revirement, admettant que le sujet suscitait « beaucoup de questions » . Notamment en vertu de son impact négatif sur des zones humides et agricoles.
« Fragilisation juridique »
Il était impossible de supprimer cette extension du projet de réaménagement, car la modification aurait fait courir un risque juridique majeur au dossier. Les concurrents de Vinci Airports, qui avaient fini par renoncer à répondre à l’appel d’offres, auraient pu attaquer le contrat, arguant d’une modification substantielle du marché. L’Etat a fini par acter son impuissance à sortir de l’impasse. De ce fait, la procédure reprend à zéro.
L’absence de concurrence et la « fragilisation juridique » de l’appel d’offres ne sont pas les seules raisons ayant poussé l’Etat à revoir sa copie . « Le projet présenté n’est pas bon et ne colle pas aux attentes du territoire » , confirme Sarah El Haïry, secrétaire d’Etat à la biodiversité et élue nantaise (MoDem). Qui plus est, le budget affiché était « trop élevé » .
Sitôt l’annulation de l’appel d’offres connue, Mme Rolland a dénoncé « l’incurie totale de l’Etat » dans le pilotage du dossier. « Entre l’abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes et le premier acte concret qui marquera la modernisation de Nantes Atlantique, il va s’écouler plus de dix années… »
Lundi 2 octobre, le ministre délégué aux transports, Clément Beaune, a mené à Nantes une mission de déminage auprès des élus et des acteurs économiques du territoire. Conscient de « la déception » et de « la colère » que suscite ce nouvel échec, le ministre a promis de relancer, avant la fin de 2023, la procédure d’appel d’offres visant à la modernisation « vitale » de l’équipement, plaidant pour l’amélioration du cahier des charges à l’aune « des nouvelles exigences environnementales » .
Lots de consolation
Fini de « procrastiner » , affirme-t-il. La question de l’extension de la piste devrait être tranchée d’ici un mois, le temps d’une concertation locale. Les sanctions financières touchant les compagnies enfreignant trop souvent le couvre-feu censé bannir les avions entre minuit et six heures du matin, devraient être relevées. Et l’arrêté ministériel encadrant le couvre-feu, sujet à différentes interprétations, devrait être réécrit.
En guise de lots de consolation, la métropole de Nantes décroche la promesse de figurer dans la première vague des RER métropolitains, avec l’assurance de bénéficier de crédits fléchés pour ce projet. M. Beaune a enfin annoncé la signature prochaine « d’un contrat de plan Etat-région très ambitieux » .
En attendant, revoilà le dossier de l’aéroport, qui voit son trafic redécoller (5,8 millions de voyageurs en 2022), décalé de deux ans au bas mot. Le réaménagement de Nantes Atlantique visait initialement à calibrer l’équipement pour l’accueil de 10,7 millions de passagers par an à l’horizon 2040. Le coût de l’opération était estimé à 500 millions d’euros en 2019.